Plongées insolites à Pemuteran
Par Philippe Lahousse – Photos de l’auteur
Pemuteran est aujourd’hui une étape incontournable dans un safari plongée autour de Bali. Et pourtant, cette bourgade du nord-ouest de l’île revient de loin car le réchauffement des eaux provoqué par l’épisode particulièrement violent d’El Nino en 1998 a bien failli décimer la totalité des récifs coralliens déjà largement menacés par la prolifération des acanthasters (ces jolies mais nuisibles étoiles de mer épineuse mangeuses de corail) et les techniques locales de pêche (aux bâtons de dynamite et au cyanure) !
On entend souvent dire de Bali qu’elle est l’île des Dieux tant la religion y est omniprésente. Mais à Bali, il y a aussi des démons que les femmes tentent chaque jour d’apaiser en abandonnant, partout sur le sol, de petites offrandes (les segahans) moins raffinées que les celles destinées aux Dieux et aux esprits (les canang sari).
Qu’à cela ne tienne car il en faut plus pour décourager Rani Morrow-Wuigk, une plongeuse australienne d’origine allemande qui, au début des années 1990, avait été émerveillée par la beauté des récifs de Pemuteran encore en pleine santé. Son idée est alors d’utiliser un procédé inventé dans les années 1970 par l’architecte allemand Wolf Hilbertz et repris, à la fin des années 1980, par le biochimiste jamaïcain Thomas Goreau sous le nom de Biorock. Le principe est simple : prenez de l’eau de mer et une armature métallique immergée à quelques mètres de profondeur. Reliez-la à des panneaux solaires, une éolienne ou une autre source délivrant un courant à basse tension et la magie s’opère. Il suffit de quelques heures pour que la réaction électrochimique (l’électrolyse) enclenche un processus de calcification du support métallique, créant ainsi un substrat minéral identique à celui nécessaire à la croissance du corail. Il ne reste plus alors aux « jardiniers du récif » (des jeunes locaux formés par l’association Reef Gardeners) qu’à y greffer des fragments de corail pour compléter le dispositif de régénération du récif (1).
Lancés dans les années 2000, les projets Biorock se sont depuis multipliés à travers les mers chaudes du monde entier mais celui de Pemuteran (baptisé Karang Lestari,ce qui signifie « préservation du corail ») reste encore aujourd’hui le plus important. Les pépinières artificielles aux formes aussi variées que parfois déroutantes (poisson, étoile de mer, panier, dôme, traineau…) y sont implantées à faible profondeur (12 m maximum) sur une surface de 2 hectares à l’abri des courants. Des conditions idéales pour profiter longuement d’un environnement subaquatique atypique qui, à l’évidence, convient aussi parfaitement aux poissons coralliens de toutes sortes qui se sont réapproprié les lieux.
Et si les plongées insolites vous tentent, vous pourrez aussi explorer un temple sous-marin qui, avec ses statues bouddhistes et khmères immergées en 2005 et 2006 entre 15 et 30 m de profondeur, fait également partie du programme de réhabilitation du récif corallien mené dans toute la baie de Pemuteran. Une expérience presque mystique, d’autant que sur la partie la plus profonde du site, le filtrage des rayons du soleil par les particules de sable en suspension crée une ambiance feutrée des plus réussies.
Alors si le récif de Pemuteran n’a pas encore tout à fait retrouvé sa vigueur d’antan, on ne peut que saluer les efforts consentis par la population locale pour restaurer et préserver les fonds sous-marins. Un cercle vertueux s’est ainsi créé car en plus de nous offrir des plongées différentes du reste de Bali, ces initiatives s’inscrivent dans un projet plus global de développement durable qui tente de concilier la protection de l’environnement littoral avec un tourisme responsable qui profite économiquement à la population locale.
viennent nous accompagner au palier, on oublie bien vite le côté artificiel des récifs pour se dire finalement que cette initiative de la collectivité d’Amed pour relancer la biodiversité après l’impact désastreux du phénomène El Nino de 1998 est une bien belle réussite.
(1) Il est toujours possible de parrainer cette opération via le site http://biorockbali.webs.com
Avec qui ? http://www.ikandive.com/index_fr.html ——– Ikandive est un club franco-balinais dirigé par I Komang Mawi et Claire Muller. Il vous propose des sorties à la journée et des safaris plongées à la carte d’une durée allant de 15 à 21 jours.
Avant de partir ! https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/preparer-son-voyage/indonesie