Dans le reportage consacré aux Seychelles du N° 72 de Plongée Magazine, page 27, était publiée une photographie avec la légende suivante : « scène de la vie ordinaire sous-marine. Une grosse femelle pastenague est poursuivie par les assiduités de deux jeunes mâles ». Sauf que la scène en question était loin d’être ordinaire. C’est même le contraire, ce comportement n’ayant été que très rarement observé.
En effet, un examen plus approfondi des photographies révèle qu’il s’agit de deux espèces bien différentes : une grosse femelle raie à taches noires (Taeniurops meyeni) poursuivie par des mâles raies à fouet (Himantura fai). A la lumière de cette information, on s’est alors demandé quelle était la nature de ce comportement. Simple instinct grégaire ? Interrogé, Bernard Séret, requinologue, spécialiste des élasmobranches et consultant en ichtyologie marine s’est d’abord enthousiasmé : « je pense qu’il s’agit là d’un comportement assez exceptionnel et qu’il s’agit très vraisemblablement d’un essai d’accouplement entre deux espèces. » Il s’est alors tourné vers un collègue australien, Peter Last, afin d’en savoir plus. Ce dernier confirme l’attraction sexuelle mais relativise son caractère exceptionnel.
« Peter a déjà observé des Himantura fai collées à de grandes pastenagues, reprend M. Séret. Principalement des Pastinachus sephen et Pastinachus atrus, plus rarement avec des Taeniurops meyeni comme ici. Nous pensons tous deux qu’il s’agit bien d’une interaction sexuelle, mais sans avoir jamais vu d’accouplement mené à terme. Peut-être que les mâles sont simplement attirés par l’odeur de la femelle, mais qu’ils ne passent pas à l’acte.
Chez les élasmobranches, on connaît quelques cas de gynogénèse en aquarium et de rares cas de véritable hybridation entre des requins, très proches morphologiquement (Carcharinus limbatus et Carcharinus tilstoni). En revanche, aucun cas d’accouplement ne semble jamais avoir été observé, que ce soit dans la nature ou en aquarium. Ceux-ci n’ont été étayés a posteriori que par des analyses génétiques. En captivité, on peut comprendre ce type de comportement par le manque de choix de partenaire. Mais dans la nature ? »
Et de conclure : « cette séquence demeure très intéressante. Malheureusement, sans savoir si l’accouplement a été mené à terme, il manque la fin ». On reste donc un peu sur sa faim, mais cet exemple illustre qu’il n’y pas que dans les lits que certaines fantaisies sexuelles ont cours. Sous la mer aussi.
Texte et photos, D. Deflorin