À environ 150 km au Nord de Sharm el-Sheikh et à 70 km de la frontière avec Israël, sur la côte Est de la péninsule du Sinaï, se cache un des secrets les mieux gardés de la mer Rouge. Son nom ? Nuweiba, une ville d’origine bédouine avec un environnement paisible, des plongées surprenantes et des alentours magnifiques.
On associe généralement la mer Rouge à Sharm el-Sheikh, Hurghada ou Safaga. Face à ces destinations de premier ordre, des lieux comme Dahab, Nuweiba ou Taba, au cœur du golfe d’Aqaba, restent souvent en arrière-plan. Ces endroits peu connus sont pourtant un paradis pour ceux qui cherchent à fuir les masses, à se relaxer dans un environnement extrêmement tranquille et à profiter de plongées différentes de celles du Sud. Ici, tout est très commode. En effet, il n’y a pas besoin de bateau pour aller sur les sites et les conditions de mer, comme la visibilité, sont souvent très bonnes. Parmi toutes ces destinations, Nuweiba est peut-être la moins connue.
Un lieu singulier
Localisée au Nord-est de la péninsule du Sinaï, à une heure et demie au Nord de Dahab, la petite ville de Nuweiba fut occupée à l’origine par deux tribus bédouines différentes. D’un côté, les Tarabin, qui habitent aujourd’hui au Nord de Nuweiba, où se trouve une belle baie avec grand nombre de « campements » modestes, peu fréquentés actuellement faute de touristes en provenance d’Israël. De l’autre côté, les Muzeina, au Sud, où se trouvent les resorts et campements plus luxueux ainsi que le port d’où partent les ferries pour visiter la ville jordanienne d’Aqaba.
Nuweiba ne peut se considérer comme une destination touristique en soi, à cause de l’absence de centre-ville et de la dissémination de ses infrastructures touristiques le long de ses 15 km de côtes. Mais ses magnifiques plages de sable blanc, l’offre diversifiée de resorts et de campements pour tous budgets et ses plongées fantastiques et paisibles en font un séjour très agréable.
Depuis environ trois ans, les Espagnols David Fernández et David Planells ont pris les rênes du campement La Sirene. Ce fantastique resort, situé dans une des zones les plus tranquilles de Nuweiba, est équipé de toutes les commodités pour profiter de vacances et de plongées qui n’ont rien à envier au Sud de la mer Rouge égyptienne.
Muck dive en mer Rouge
Au cours de ma vie, j’ai passé plus de deux ans à plonger dans le golfe d’Aqaba, principalement depuis le village de Dahab. Durant toute cette période, j’ai très peu entendu parler de Nuweiba, hormis quelques rumeurs qui laissaient entendre que là-bas, les plongées étaient belles et qu’il était rare de croiser quelqu’un sous l’eau. Ce que je n’avais pas anticipé, c’était à quel point cela pouvait être différent. Dans le bon sens du terme, j’entends.
Peut-on parler de muck diving ? Peut-être pas exactement, du moins si on fait la comparaison avec des destinations comme le détroit de Lembeh ou Anilao, dans les Philippines. Mais c’est quand même l’impression que l’on a quand on passe quelques jours à Nuweiba après avoir plongé dans d’autres coins de mer Rouge. Ici, nous n’explorons pas de fonds volcaniques jonchés de débris ou déchets et habités par les créatures les plus invraisemblables. Par contre, nous plongeons sur une série de sites, tous différents les uns des autres, sur lesquels il suffit en général de se déplacer d’à peine quelques mètres pour se retrouver face à un véritablement grouillement de vie. On y rencontre des espèces que l’on trouve rarement dans le reste de la mer Rouge, comme des poissons crapauds (y compris Antennarius randalli, vu ici pour la première fois en mer Rouge), des poissons fantômes, des groupes de poissons rasoirs, des hippocampes, des crevettes marbrées, des crevettes de Thor ou impératrices (Periclimenes imperator), plus de 50 espèces de nudibranches, des murènes à bouche jaune, des gobies corail et des crustacés que j’avais rarement vus avant.
Si les sites de plongée de Nuweiba sont très limités en nombre (une petite dizaine), ils regroupent tout ce que le palmipède peut souhaiter : grands récifs coralliens très bien conservés et habités par une multitude de tortues, murènes et raies ; fonds de sable parsemés de patates de corail où abonde la petite faune ; récifs artificiels inhabituels totalement recouverts de spectaculaires coraux mous ; immersions profondes pour les adeptes de plongée tek… Et que dire des conditions ? Tous les sites sont proches et se rejoignent facilement du bord, les courants – quand il y en a – étant très doux et la visibilité souvent excellente. De plus, dans cette partie de la mer Rouge, l’espèce la plus difficile à rencontrer sous l’eau est… l’homme. Il est en effet très rare de se retrouver avec d’autres palanquées sur un même site de plongée. Le rêve absolu…
Quatre sites à ne pas manquer
Abu Luu Luu
Juste en face du Hilton de Nuweiba, ce site présente une pente sablonneuse peu profonde, parsemée de petits secs couverts de corail. Le plus grand (environ 5 x 3 mètres) se trouve tout en haut de la pente et on peut y passer toute la plongée sans en bouger. La quantité de petites bêtes qui s’agglutinent aux alentours est ridiculement… grande. Ceux qui ont de bons yeux pourront observer les très belles (et non moins timides) crevettes marbrées, les poissons fantômes et une quantité infinie de crustacés différents. Deux poissons crapauds noirs ont également élu domicile ici. L’un d’eux se montre toujours sur la partie la plus haute du sec, alors que l’autre est plus peureux. Autour de la formation tournoient des anthias, des poissons lion à foison, des barbiers, des petits mérous et bien d’autres espèces.
The Sinker
Ce site est pour le moins singulier. La plongée consiste en effet à parcourir le récif jusqu’à atteindre une énorme bouée d’amarrage coulée dans les années 1970, durant l’occupation israélienne du Sinaï. Lors de l’installation de cette bouée, il s’est avéré que la distance jusqu’au fond avait été sous-estimée, ce qui fait que la bouée est restée immergée à 8 mètres sous la surface, le corps-mort reposant à 35 mètres. La première vision de la bouée offre des teintes surnaturelles, comme cela se produit parfois à l’approche d’une épave, lorsqu’on commence à la distinguer dans le bleu et qu’à mesure que la distance s’amenuise, on découvre un merveilleux spectacle. Le fond, près de la bouée, est littéralement recouvert de coraux mous comme j’en ai rarement vu. Le corail a aussi recouvert une partie de la bouée. Cette dernière est souvent entourée de bancs de glassfishes, de nuées d’anthias, de pagres, de fusiliers, de poissons lions et de thonidés en chasse.
Maagana Camp
Cette plongée nous emmène dans la charmante baie de Maagana, où les propriétaires du campement La Sirene résidaient auparavant. Le but de cette immersion ? Partir à la recherche des hippocampes. Ceux-ci se trouvent à quelques mètres du point d’immersion, et bien qu’ils soient gros et nombreux, il faut un peu de patience avant d’arriver à les repérer. Une fois qu’on les a trouvés et qu’on a pris le temps de les observer, on peut se diriger vers la gauche ou la droite, en suivant les barrières de récif corallien qui longent la côte. On y trouve d’insaisissables poissons fantômes, des crevettes de Thor et Imperator, d’étranges porcelaines blanches avec des taches noires que je n’avais jamais vues avant, des nudibranches à foison, des poisson pierres et une multitude d’autres espèces.
Pipelines
Non loin du site The Sinker se trouve un autre spot de plongée surnommé « Pipelines ». Il tire son nom de deux immenses conduits immergés provenant d’une usine de désalinisation israélienne, désaffectée depuis plus de 30 ans. La plongée s’effectue en suivant ces deux longues canalisations qui à l’époque conduisaient l’eau de mer jusqu’à l’usine. Aujourd’hui, elles sont colonisées par la vie marine, notamment par d’épaisses et grandes étendues de corail mou. On peut rencontrer ici des poissons empereurs juvéniles, de timides platax, un sympathique poisson globe épineux, quelques poissons pierres et poissons crocodiles.
Paix absolue
Si vous cherchez à déconnecter, à vous sentir comme à la maison, à plonger sans tomber tous les deux mètres sur d’autres plongeurs (hormis ceux de votre palanquée, bien sûr), à profiter d’un lieu exquis et éventuellement à pratiquer votre espagnol, le camp La Sirene est le lieu idéal. Il comporte une série de bungalows et appartements confortables situés juste en face de la mer, sur une charmante plage privée qui jouit d’une vue impressionnante sur le golfe d’Aqaba, avec les montagnes d’Arabie Saoudite se détachant de l’autre côté. C’est un endroit si tranquille que l’unique son que vous entendrez est celui de la mer. Sans trafic routier, discothèques bruyantes ni vendeurs de pacotille qui vous arrêtent tous les 5 mètres. Vous avez envie d’une après-midi tranquille après la plongée ? Des hamacs ou des « haimas » (sortes de paillottes) sont à votre disposition, à quelques mètres du rivage. Vous pouvez aussi profiter de vos soirées et de vos nuits pour découvrir le house reef de La Sirene, le récif qui s’étire parallèlement à la côte, à quelques mètres face au camp. Bien que cette zone de plongée soit moins spectaculaire que les autres, elle reste divertissante, surtout la nuit. David Planells, en charge du resort, est un très bon hôte. Son équipe et lui-même se décarcassent pour offrir au visiteur une expérience unique et relaxante. Ici, c’est vous qui marquez le rythme de vos vacances.
En route pour Dahab
À seulement 70 km de Nuweiba se trouve la station balnéaire de Dahab. Depuis le camp La Sirene, des excursions à la journée sont organisées pour aller visiter cet endroit charmant du golfe d’Aqaba et plonger sur deux de ses sites les plus emblématiques : Canyon et Blue Hole. Le premier nous mène à l’intérieur d’un formidable canyon qui marque le fond comme une cicatrice, alors que le second, très réputé, nous permet d’explorer une vertigineuse paroi qui conduit jusqu’à un extraordinaire trou bleu s’ouvrant depuis la côte. Une fois les deux plongées effectuées, on profite du reste de la journée pour manger dans un des restaurants locaux de bord de mer, se promener et faire quelques emplettes. Une excursion qui nous permet de plonger dans des endroits incontournables et, en définitive, de profiter d’une journée bien remplie et variée.
À savoir
Eu égard à l’actualité, avant tout départ, nous vous conseillons de consulter le site du ministère des Affaires étrangères (www.diplomatie.gouv.fr) pour connaître la situation du pays.
Remerciements à l’agence Blue Force Diving, qui possède l’exclusivité du campement La Sirene. Contact : www.blueforcediving.com ; info@blueforcediving.com
Retrouvez le texte et les photos de Joel Ingalaturre dans Plongée Magazine n°67