Amateurs de grand bleu, attention : ce portfolio risque de vous décoiffer. Car s’il s’agit bien d’univers subaquatiques, les images du photographe allemand Uli Kunz nous font découvrir d’autres mondes étranges. Avec talent et maestria, il en révèle les atmosphères mystérieuses, nous transportant aux côtés d’explorateurs, archéologues ou de créatures anachroniques. Ses photographies sont souvent réalisées dans des conditions difficiles : lumière rare ou absente, visibilité réduite. Sa magie est justement de surmonter ces obstacles avec un sens inné du cadre, de l’éclairage et du graphisme.
Ne serait-il pas un brin maso, le cousin germain ? « Sans doute, car je déteste ce matériel lourd et encombrant, toute cette électronique ne faisant pas bon ménage avec l’eau, admet-il. Mais comme je suis amené à photographier des missions ou des sujets en milieux difficiles d’un point de vue technique, le truc amusant et stimulant est justement de les surmonter pour traduire la scène de manière esthétique. C’est finalement une relation amour-haine. Ainsi, j’aime bien déployer de nouveaux moyens ou matériels pour aboutir au résultat escompté. En cavité, j’ai par exemple à peu près tout essayé avec flashs esclaves, trépied, poses longues, light-painting, etc. J’essaie aussi souvent que possible de déporter mes éclairages afin d’obtenir une vision différente de celle des traditionnels flashs fixés sur le caisson. »
Après des études en biologie marine, Uli Kunz devient guide en Antarctique et conférencier. Puis il crée, avec quatre amis, la société Submaris, qui collabore à des projets scientifiques et produit des images pour des clients institutionnels, des sociétés de production, ainsi que la télévision, la presse et l’édition. Ses missions couvrent des projets variés sur des sujets scientifiques ou biologiques d’envergure, aussi bien en mer Baltique qu’en Antarctique, dans les cénotes ou au large de l’Afrique. La plupart du temps, ce sont des sujets de fond nécessitant un investissement au long cours.
S’il manie également la caméra, c’est toutefois la photographie qui anime Uli Kunz. « L’image fixe est plus intéressante que la vidéo car il s’agit de saisir l’instant juste d’une scène qui se déroule et de la fixer pour l’avenir, estime-t-il. Certes, on ne représente alors qu’une partie de la réalité. Mais cela permet de transmettre une atmosphère, des émotions. Une bonne image est celle qui raconte, en une fraction de seconde, une histoire qui touche le spectateur et retient son attention. Peu importe alors qu’elle soit en noir et blanc ou en couleur, argentique ou numérique. Ce qui est essentiel est de choisir le bon moment et de réunir les conditions adéquates pour obtenir des images propres, lisibles, frappantes et esthétiques. Elles sont souvent préparées bien en amont, même si on ne peut jamais préjuger du comportement d’un animal, par exemple. Je renonce souvent à appuyer sur le déclencheur si ce que je vois ne correspond pas à ce que j’attends. Je n’aime pas passer des heures à trier des images inutiles. Mais un jour, je risque de rater le meilleur moment… » Une rigueur toute germanique dans la démarche, mais qui paye, à en juger par les images de ce portfolio. Uli Kunz et son équipe travaillent actuellement sur un projet en Bavière, dans le tunnel d’une station hydro-électrique pénétrant à plus de 1200 mètres sous la montagne, dans une eau à 4°C. Ils prévoient également un travail scientifique sur les laminaires de l’île d’Heligoland, en Allemagne, et sur le phoque gris. À coup sûr, de nouvelles scènes étranges et surprenantes.
Son site : www.uli-kunz.com
Retrouvez le texte de Daniel Deflorin et la photo de Uli Kunz dans Plongée Magazine n°73