Ras le bol de l’auto-flagellation franco-française. Marre de croire en permanence que tout se passe à l’étranger, de préférence outre-Rhin ou outre-Atlantique. Car, pour reprendre le slogan d’une autre crise de la fin des années 70 : « en France, si on n’a pas de pétrole, on a des idées ». Oui, dans l’hexagone il y a aussi des gens qui se creusent les méninges, qui innovent et qui entreprennent, en marge d’Areva, Airbus, Thales ou du CAC 40. Exemple, Francis Beckers et sa société Revora Concept.
Tout seul dans son coin, avec ses neurones rien qu’à lui, son ingéniosité et ses p’tites mimines, il est en train de terminer les dernières mises au point de son DWP. Une barbarité signifiante de Dive Wrist Panel. Un truc futuriste de la mort-qui-tue que même le Hobbit de Star Wars dans Terminator Retour vers le futur rêverait d’avoir. Un engin dont même les yankees en avaient les mirettes en combustion lorsque le proto leur a été présenté en mai dernier à Miami, lors du eMerge America, congrès international consacré aux nouvelles technologies. Scotchés qu’ils étaient les ricains : « my goodness, that’s tremendous » !
Encouragé par les contacts établis à cette occasion et l’intérêt suscité par le produit, Francis Becker peaufine encore son précieux, tel un orfèvre polissant un diamant. Il s’agit d’un terminal répondant au doigt ou à la moindre rotation du poignet et regroupant tout ce dont le plongeur a besoin. En plus de son scaphandre évidemment.
Le DWP a été présenté dans Plongée Magazine N°72 (encore disponible, dépêchez-vous, ça ne durera pas). Pour la faire courte, disons qu’il s’agit d’un boîtier compact au dessin soigné, se portant au poignet et associant un ordi de plongée, un phare, une caméra et un compas. Mais également capable de communiquer sur différentes fréquences (VLF, VHF, Wifi) avec d’autres appareils pour connaître par exemple la pression du bloc des petits copains, leur envoyer et recevoir des messages types programmés, émettre un appel d’urgence par radio aux navires sur zone ou encore communiquer avec un smartphone iOS ou Android. Les différentes manœuvres de commandes s’effectuant simplement, via un accéléromètre et un gyroscope, par des mouvement du poignet ou tapotements du bout des doigts. Seule ennuyeuse concession à la compacité, un boîtier séparé contenant les batteries. Ben ouais, faut quand même l’alimenter en énergie le bouzin. A commencer par le phare à leds, capable de cracher jusqu’à 6000 lumens. Rien que ça.
Bref, pour reprendre le jargon pommé « ceci est une vraie révolution ». Que même Steve Jobs en est tout retourné dans sa tombe et que Tim Cook en noie sa iWatch sous un torrent de larmes. Parce que la « révolution » de Tim n’est même pas étanche alors que celle de Francis l’est : jusqu’à 250 m. Et tout ça réalisé par un frenchie, tout seul au fond de son garage. Enfin, presque.
Pari entrepreneurial
Tout a commencé en 2009. Moniteur de plongée parallèlement à son métier, Francis Beckers a été confronté à certaines réalités. Parmi lesquelles jongler avec tout le matos dont le plongeur moderne ne peut désormais se passer. « J’ai eu envie de me fabriquer un appareil centralisant tout ça, à portée de main, explique-t-il. Au début, c’était juste pour moi, pour m’amuser. Evidement, à l’origine cela ne ressemblait à rien, c’était juste un truc bricolé. Puis, au fil du temps (il y a eu plus de 7 versions), l’engin s’est raffiné et le concept est devenu plus précis, plus concret. Mais surtout j’ai pu mesurer l’intérêt qu’il suscitait autour de moi. De plus en plus de gens trouvaient cela intéressant ».
En 2014, à 42 ans, ce cadre d’une société en génie climatique lâche la proie pour l’ombre et se lance dans l’aventure entrepreneuriale. Il abandonne son métier, vend tout ou presque, pour créer en mars de la même année la SARL Revora Concept, destinée à la conception de matériels dont le DWP est la vitrine illustrant le savoir-faire en design et électronique. Au sein d’une pépinière d’entreprises, il peut nouer des contacts, échanger, bénéficier des conseils d’un bureau d’études. Des appuis précieux qui lui permettent de participer à des bourses à l’innovation. De les obtenir, ainsi que quelques prêts et subventions. « Une période intense, très dense et riche sur tous les plans, s’enthousiasme-t-il. Et en janvier de cette année, lors du salon de la Plongée, j’ai pu dévoiler le dernier prototype. L’occasion de mesurer l’intérêt du public, de recueillir encore des avis et remarques ».
Made in France ?
Aujourd’hui, les brevets sont déposés, la « boîte » extérieure, son dessin et son concept sont finalisés, la phase finale d’essais se termine et l’industrialisation de la première série est sur le point de démarrer. En perfectionniste, Francis Beckers s’arroge toutefois le droit d’améliorations de dernière minute. « Il reste encore quelques détails à régler. Un dernier travail sur la hiérarchisation des informations par exemple, afin que tout soit paramétrable par l’utilisateur, en fonction de ses besoins ou habitudes. Mais il y a aussi le choix final des composants. Qu’il s’agisse du capteur de la caméra ou de l’écran, de dernière génération, mieux définis et plus lumineux. Car tout évolue constamment en ce domaine. Mais aussi et surtout car je tiens à ce que le produit soit entièrement français, de A à Z. Hormis les composants électroniques évidemment. On a le savoir-faire dans notre pays, il faut le montrer » !
Le DWP et Revora Concept affrontent désormais le cap décisif de l’industrialisation et de la commercialisation. Pour y parvenir, il s’agit de réunir entre 450 et 500.000 €. Loin du Géo Trouvetout halluciné au fond de son laboratoire, Francis Beckers a conscience de l’enjeu. « J’étudie actuellement toutes formes de partenariats, en France et à l’étranger : ouverture du capital, joint-venture, participation d’investisseurs tiers ou plateformes de financement participatif. Tout en prenant le temps de la réflexion. Parce que là, il s’agit de ne pas se louper. Revora Concept entre dans ce qu’il est convenu d’appeler « la vallée de la mort » en terme de création d’entreprise et de commercialisation.
L’accueil du produit à Miami, où j’ai pu rencontrer le plus gros distributeur U.S. de matériel de plongée, des avocats d’affaires ou des investisseurs, est plus qu’encourageant. Mais cela entrainerait une fabrication ou une commercialisation hors de France, ce qui n’est pas mon ambition. Or, force est de reconnaître que les investisseurs de notre pays se montrent… un peu frileux ».
Avis est donc lancé aux capital-risqueurs et autres business angels hexagonaux pour accompagner le déploiement d’un sacrément beau produit. Made in cocorico qui plus est.
Texte D. Deflorin, illustrations Revora Concept
Le DWP en bref
Boîtier en polycarbonate et aluminium anodisé, 760 g (280 g sou l’eau), étanche à 250 m et réunissant plusieurs fonctions. Ordinateur avec écran TFT couleurs 3,5″, choix de l’algorithme (Bühlman ZHL-16 ou MT92 pour les professionnels) et à gestion d’air sans fil. Caméra 13 Mpix, photo et vidéo, avec 256 ou 512 Go de Ram intégrée. Phare 6 leds à puissances réglables délivrant jusqu’à 600O lumens. Compas avec auto-guidage par écart de caps. Communication VLF (Very Low Frequency) jusqu’à 5 autres appareils permettant de connaître la pression du blocs des autres plongeurs et de leur envoyer des messages d’urgence types programmables. Emetteur VHF d’alerte via canal présélectionné pour prévenir les bateaux sur zone. Paramétrage et programmation WiFi par app dédiée (iOS ou Android). Commandes assurées par gyroscope et accéléromètre par mouvements du poignet ou tapotements sur l’écran. Alimentation séparée par bloc batterie, au choix de l’utilisateur.
Prix : env. 2800 €, livré avec valise étanche.