Ce n’est pas une nouveauté, la plongée est en France plus réglementée que partout ailleurs. Un gage de sécurité certes. Mais aussi un véritable frein qui nuit au développement des centres de plongée hexagonaux. Non seulement pour l’accueil des plongeurs étrangers, même si la situation s’est récemment assouplie avec une reconnaissance plus facile des brevets étrangers. Mais aussi pour le recrutement de moniteurs qualifiés.
« La situation est dramatique. Il y a un réel souci dans la filière et une inadéquation entre l’offre et la demande pour embaucher des moniteurs ! » C’est le cri du cœur, à la fois révolté et résigné, lancé par Isabelle Galmiche-Smith du centre la Sirène Plongée à Argelès-sur-Mer. À sa direction depuis 25 ans, elle fait part de son désarroi : « Nous avons un cordon littoral fabuleux, nous sommes l’une des premières destinations touristiques et pourtant nous avons du mal à faire fonctionner nos entreprises et à embaucher. Il n’y a pas assez de moniteurs sur le marché et ils n’ont souvent pas le bon profil. Il y a d’abord le problème de la langue. Certains parlent l’anglais, mais quid de l’allemand, du hollandais, de l’italien ? La maîtrise des langues est importante, surtout avec des enfants par exemple. On pourrait évidemment envisager l’embauche saisonnière de moniteurs étrangers, mais en France il faut un brevet d’État. Comment fait-on ?
Pour des emplois à l’année ou de mai à septembre, on arrive à en trouver, difficilement, mais pour les mois d’été, là où on en a le plus besoin, c’est un vrai casse-tête. Non seulement on n’en trouve pas, mais de plus, il y a inadéquation entre la formation et les besoins réels. Nous n’avons pas besoin de moniteurs surqualifiés mais d’animateurs, d’accompagnateurs pour faire découvrir l’activité, la rando palmée, les baptêmes dans 5 mètres d’eau. Je comprends parfaitement que l’on ne puisse financer une formation longue et onéreuse pour travailler 2 mois par an. Mais c’est pourtant de ça dont nous avons besoin. Des vrais jobs d’été, officiels et déclarés, comme dans les campings ou les restaurants. Si on avait le statut d’association, nous n’aurions pas de problème. On trouverait des moniteurs fédéraux, des initiateurs ou des Niveaux 4 pour l’été. Faut-il donc que l’on se mette dans l’illégalité ? Cela coûte-t-il moins cher à l’État de garder des gens aux chômage ? Il y vraiment un paradoxe étouffant nos entreprises qui rapportent pourtant de l’argent à la collectivité. »
Oui mais le boulot est ingrat, mal payé en France alors que la vie est plus facile à l’étranger, diront certains. Isabelle Galmiche-Smith balaie l’argument : « Ce n’est pas vrai, nous avons le meilleur statut de moniteur du monde. J’ai aussi travaillé à l’étranger. On n’a ni cotisations retraite, ni chômage, ni couverture sociale, il faut s’assurer soi-même. De plus, en freelance, lorsqu’il ne fait pas beau ou qu’il n’y a pas de croisière, on n’est pas payé. Alors qu’en France, on bénéficie de tous ces avantages sociaux et même s’il ne fait pas beau, on est payé. Et puis ce n’est pas le goulag non plus. Les heures sont payées que l’on soit sous l’eau, au tableau ou pendant les transferts en bateau que l’on ne pilote même plus, puisque nos embarcations sont au commerce avec un marin. En Espagne, un moniteur est payé 1200 € sans chômage l’hiver ; ailleurs à l’étranger, les Dive Masters sont indemnisés peanuts, voire pas du tout. Ici, nos entreprises proposent de 1500 à 1800 € nets, souvent avec un logement et on ne trouve personne. C’est tout de même une situation paradoxale alors que tant de gens sont au chômage ou que des Bac + 4 débutent leur carrière au SMIC. Nous avons pourtant un rôle d’éducateurs, nous véhiculons une image positive, le respect de la nature, le bien-être mais nous gagnons moins que des dealers d’alcool dans les bars. »
Texte D. Deflorin, crédit photo du haut : D. Deflorin
> Vous êtes aussi patron de centre ? Vous rencontrez les mêmes difficultés ou avez pu au contraire bâtir une équipe saisonnière facilement ? Vous êtes moniteur et ne trouvez pas de travail ? Vous avez abandonné le métier ou fait le choix de l’étranger ? Votre avis nous intéresse. Faites-nous part de votre témoignage en quelques lignes, sans oublier vos coordonnées afin que l’on puisse vous recontacter : d.deflorin@plongeemag.com